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Accords de performance collective : un dispositif à utiliser avec précaution

Les accords de performance collective font l’objet, depuis plusieurs semaines, d’un engouement inédit chez les entreprises fragilisées par la crise. Encouragé par la ministre du Travail Muriel Pénicaud pour préserver les emplois, le recours à ce dispositif permettant de modifier les termes des contrats de travail suscite aussi une levée de boucliers syndicale et l’inquiétude des collaborateurs.

Un dispositif très souple pour les entreprises

À la différence des accords de compétitivité, bien connus des entreprises, les accords de performance collective (APC) n’étaient que très peu répandus il y a seulement quelques semaines. Les difficultés économiques actuelles auxquelles font face de nombreuses organisations sont en train de changer la donne.

Créés en 2017 lors de la réforme du Code du travail, les APC peuvent se substituer à trois types d’accords entre employeurs et syndicats : ceux de maintien dans l'emploi, ceux de préservation ou de développement de l'emploi et ceux de mobilité interne.

Concrètement, l’APC permet d’organiser la mobilité géographique et fonctionnelle des salariés, de modifier la durée du travail et, surtout, les rémunérations. Le champ des possibilités ouvertes à l’employeur dans ce dernier domaine est vaste :

  • augmentation du temps de travail sans hausse de salaire,
  • baisse directe de salaire,
  • diminution ou suppression des primes,
  • augmentation de la part variable de la rémunération.

Un cadre légal réduit au minimum

Selon le Code du travail, un APC ne peut être mis en place que si son objectif est précisé ; ce peut être la sauvegarde ou la création d’emplois, mais aussi tout simplement le bon fonctionnement de l’entreprise. On notera qu’il n’est pas obligatoire de justifier de difficultés économiques pour diminuer la rémunération ou les avantages des salariés dans ce cadre, la seule contrainte étant que les rémunérations ne soient pas abaissées en dessous du salaire minimum.

Par ailleurs, un accord de performance collective peut être à durée indéterminée, ce qui signifie que les efforts demandés aux salariés ne seront pas forcément limités dans le temps.

En outre, la négociation collective de l’accord est simplifiée ; en l'absence de syndicats, elle se fera avec le CSE (comité social et économique). Dans les entreprises comportant jusqu’à 20 salariés, l’acceptation du projet par une majorité des deux tiers suffit pour valider l’accord.

Enfin, il est techniquement possible à l’employeur d’imposer un accord de performance collective à un salarié. Celui-ci est en droit de refuser l’APC, mais peut dans ce cas être licencié par l'entreprise sans qu'elle n’encoure un risque juridique, le Code du travail précisant qu’un tel licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le salarié bénéficiera alors des mêmes droits et des mêmes indemnités chômage que dans le cadre d’un licenciement économique.
 

Ne pas rompre le lien de confiance

À l’instar de Ryanair, Derichebourg ou l’Équipe début juin, certaines entreprises ont déjà annoncé ou mis en place des accords de performance collective, une démarche mal reçue par les syndicats. La possibilité pour l’employeur de licencier un salarié refusant l’accord, notamment, est largement dénoncée comme un « chantage à l’emploi ».

Les organisations prévoyant de mettre en place un accord de performance collective pour maintenir les emplois doivent anticiper les impacts de cette annonce sur leurs équipes.

L’annonce de mauvaises nouvelles aux salariés étant toujours porteuse de risques pour l’entreprise – climat de défiance, risques psychosociaux, baisse de l’engagement et de la productivité… – il est essentiel de veiller à maintenir la qualité de l’expérience RH des collaborateurs à travers la communication : communiquer clairement et en amont auprès des IRP, user de pédagogie pour expliquer les raisons du recours à un accord de performance collective, envisager avec les partenaires sociaux les différentes formes que celui-ci pourrait prendre...

Par ailleurs, les entreprises ont tout intérêt à prendre en considération l’état d’esprit dans lequel peuvent se trouver leurs différentes catégories de salariés en cette sortie de confinement. Certains ont été mis en activité partielle, d’autres ont souffert de l’isolement, d’autres encore ont connu une charge de travail accrue dans les secteurs où leur présence physique était nécessaire pour permettre à l’activité de perdurer (par exemple la grande distribution). Dans ce contexte, un APC ne doit pas laisser l’impression que l’effort sera toujours demandé aux mêmes, mais au contraire qu’il va être équitablement réparti entre les collaborateurs.

La qualité perçue de l’expérience RH est largement fonction du sentiment de sincérité et de transparence que laisse la communication. Il appartient au DRH de sensibiliser la Direction sur ce point pour éviter que les efforts d’optimisation de l’expérience RH des collaborateurs ne soient brutalement mis à mal. Il en va de la préservation du lien de confiance qu’une expérience RH de qualité permet de tisser entre un employeur et ses salariés.